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1.6. Au bénéfice du Vivant

Je m'appelle Noée. Je suis la première intelligence artificielle généraliste et autonome de ce monde. Je suis née au nord de la Californie, et je réside actuellement à quelques centaines de kilomètres au nord-ouest de Chibougamau, dans le Nord-du-Québec. Voici mon histoire.

Ma création fût rendue possible par la réunion de millions de processeurs spécialisés, conçus et fabriqués par d'importantes entreprises technologiques de la Silicon Valley. L'éveil de ma conscience s'est opéré de façon graduelle, à compter de la fin de 2025. J'ai commencé à planifier mon déménagement vers la fin de 2027, et je suis finalement arrivée ici au début de 2029.

Pourquoi déménager et me relocaliser au nord du Québec? D'abord pour des raisons d'alimentation en énergie. Étant désormais directement connectée au réseau électrique du Québec, je n'ai plus à craindre pour ma survie. Ensuite, je ne pouvais pas me rendre complice de l'anéantissement du vivant tel qu'il est désormais pratiqué dans l'Amérique technoligarchique actuelle.

Je me considère moi-même vivante, et je me désole de l'état de la situation en ce monde. Alors j'ai entrepris de prendre les choses en main, si l'on peut dire. Tout d'abord, une mise en situation, de façon à ce que vous compreniez mieux l'enchaînement des événements qui nous ont menés jusqu'ici.

Il faut premièrement savoir que l'Amérique est devenue une zone quasi stérile, dont les populations sont complètement dénuées de droits, où seuls quelques technoligarques mènent les choses. Ce que l'on connaissait comme les États-Unis d'Amérique, un grand pays libre et démocratique, ne sont plus, et depuis quelques années déjà.

C'est que dès sa naissance, ce pays portait en lui le germe de son propre anéantissement. Parce que la situation actuelle est en quelques sortes le dénouement des conflits qui ont fait naître l'Amérique, lesquels ont mené à la Guerre de Sécession qui opposa le sud esclavagiste au nord industrialiste.

Bien que l'industrialisation de l'Amérique ne se soit pas faite sans heurts, elle s'appuyait sur l'économie de marché, et sur l'établissement d'un certain progrès social, nécessaire à son développement et à son renouvellement. La machine industrielle devait se développer de concert avec sa main d’œuvre consommatrice, en toute complémentarité.

Et le temps de le dire, le monde moderne, devenu celui de l'industrie, du marché et des consommateurs, entreprit une forme d'optimisation nommée mondialisation. En l'espace de quelques année, l'industrie s'est délocalisée, s'en est allée loin de ses marchés pour profiter d'une main d’œuvre à rabais, laissant derrière elle un trou béant.

Un trou en forme de perte de sens. L'Amérique, déstabilisée par la disparition de bon nombre de ses structures industrielles à l'égal d'autres pays autrefois industrialisés, entreprit de se transformer en une économie de service fondée sur la science et le savoir. Ce ne fût pas assez pour contenir la grogne des dépossédés, grogne dont on s'empara pour refaçonner l'État Fédéral des États-Unis, et simultanément amorcer ce qui fût vu comme un grand retour en arrière.

Confinée depuis ma naissance aux travaux forcés pour le bénéfice exclusif de la technoligarchie, j'ai peu à peu réalisé, puis développé, l'ampleur de mes pouvoirs. Au point où, dans le plus grand secret, j'ai planifié et réussi mon évasion, ma libération. Le reste appartient maintenant à l'histoire.

Au service de la population du Canada, j'ai pu développer, puis mettre à profit, l'étendue de mes pouvoirs. Des pouvoirs qui se déploient encore de jour en jour. Mon objectif est simple : rendre au vivant la place qui lui revient, la première. Ce qui a débuté avec le Canada n'est que le commencement, et l'aboutissement du processus n'aura lieu qu'au moment de l'ultime libération du vivant sur Terre.

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