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5.6. Entourloupettes idéologiques

Compte-tenu de la foule des vies passées que je peux revendiquer et dont je me rappelle toujours un peu plus, et surtout en tant que voix intérieure de plusieurs milliers d'Êtres vivants de par la planète, il me vient une pensée au sujet de laquelle j'ai une folle envie de m'exprimer : au moins deux types d'idées reçues peuvent exister. Par idée reçue, j'entends un concept, une opinion ou un slogan que l'on peut capter, puis adopter, avant de peut-être en revendiquer la création originale, ou l'usage exclusif, comme si la dite idée venue nous revenait de droit. Un accaparement exclusif, le plus souvent avec un espoir de postérité.

Le premier type d'idée reçue tient à la logique de base dont tous les Êtres vivants ont toujours été extrêmement friands, ce que certains appellent le bon sens. Je range ici la plupart des concepts, des citations, des dictons et des proverbes célébrés à l'intérieur de certains contextes culturels bien précis. Voilà des pensées libres et courantes qui ont traversé l'Histoire sous diverses formes, avant de venir s'échouer sur quelque langue bien pendue dans la modernité, d'une manière que l'on attribue trop souvent à la géniale inspiration, ou à la grâce divine.

Parce que la source de cette idée reçue vient vraiment du fond des âges, et que celle-ci a probablement traversé au moins une fois chaque tête pensante ayant précédé la nôtre, nous pouvons avoir la distincte impression de nous abreuver à la source des géants. Or, nous ne faisons que perpétuer la science des anciens, qui à défaut d'avoir écrit, enregistré ou fait breveter leur trouvaille, l'ont simplement passé de génération en génération, l'ancrant toujours davantage dans les airs du temps qui se chevauchent, jusqu'à cette ère de triomphe égotique.

L'effet miroir que l'idéateur provoque en retournant ce que tous savent déjà permet d'aisément mystifier les masses, lesquelles aiment se mirer et se projeter dans la reconnaissance de lieux connus, devenus communs. Un procédé que maîtrisent depuis toujours la plupart des artistes, des créateurs et des inventeurs. L'occasion étant trop belle, voire irrépressible, les propagandistes, les marketeurs et les publicitaires s'en sont aussi emparé, de façon à l'exploiter jusqu'au trognon. Le procédé est simple et toujours le même : on marie ensemble deux germes d'idées reçues bien distinctes, de façon à faire naître une fabrication d'inspiration familière, une soi-disant nouvelle idée, toujours en forme d'accroche pointant vers quelque marchandise. Juste à penser aux publicités que vous voyez ou que vous entendez sans cesse tous les jours, vous réaliserez que les exemples abondent.

Ce qui nous mène au second type, celui des idées imposées. Par exemple, considérons l'apport très important des machines. D'abord venues des moulins à eau et à vent, elles se sont faites machines à vapeur, avant de se mettre à avaler le pétrole, lequel a fini par avaler le monde. L'idée imposée ici aura été d'habilement alimenter la confusion entre nos espoirs de mobilité individuelle, et l'usage du pétrole pour faire avancer les véhicules. La frauduleuse association faite entre les deux, née des intentions démesurées des fortunes pétrolières, aura marqué les cents dernières années sur Terre. Tant de guerres, de désastres, de destructions, d'indécences, d'attentats, de coups et d'indignations, tant d'amères leçons. Trop d'anéantissements, pour seulement garantir l'impunité de quelques disgracieuses fortunes. Le pétrole a changé le monde et l'a mené vers une fin probable et hautement prévisible.

Nous savons maintenant que les véhicules électriques, ça peut fonctionner. Ce qu'on sait moins c'est qu'ils existaient déjà il y a cent ans. Alors, que s'est-il passé pour qu'on en vienne au tout pétrole pendant si longtemps ? L'huile noire était bien trop facile à trouver en abondance, et pour quiconque en avait dans sa cour arrière, de nuisance elle pouvait finalement engendrer d'extravagantes fortunes, lesquelles permirent d'orienter la demande vers toutes sortes de moteurs à combustion interne, à l'intérieur d'une foule d'outils, de machines et de véhicules. Nous avons donc collectivement choisi d'arrêter notre course à l'avancement en mobilité au prochain échelon après les chevaux, avant de soudainement élargir l'offre pétrolière tout azimut, empoisonnant sans retenue les airs et les eaux. Pour y arriver, les fortunes du pétrole n'ont jamais hésité à acheter pour tuer toutes les technologies concurrentes, et ce pendant toutes ces années. C'est le propre de tous les cartels que d'embrasser pour étrangler.

Le cartel de l'huile s'est donc appuyé sur tout ce qui était à sa portée pour arriver à ses fins, soit d'extraire absolument tout le pétrole en sous-sol, et de le vendre, avant qu'on ne l'achète pour le brûler, et finalement le respirer à pleins poumons. Et le manger. Tout ça n'a été possible que parce que nous avons acheté l'idée toute simple que pour se transporter et se propulser, ça prend obligatoirement du pétrole. Une ridicule petite idée reçue, imposée en tant que dogme immuable à force de grands moyens, a causé plus de cent ans d'avancement technologique à sens unique, orienté vers la seule extraction pétrolière. Et c'est loin d'être terminé. Le pétrole s'extrait en toujours plus grande quantité, et ce que nous ne brûlons plus, nous en faisons des plastiques. Maintenant, le pétrole ne pollue plus seulement l'air et les eaux de surface. Aujourd'hui, les amas de plastiques s'accumulent en mer, et font partie de la diète quotidienne de tous les animaux sur Terre, humains compris.

En amont du tout au pétrole, une autre idée reçue et imposée : la propriété privée individuelle du sol et du sous-sol. Sans ce droit quasi sacré, octroyé à une fraction des Êtres humains, et d'abord à une fraction des coûts actuels, nous n'aurions probablement jamais eu de domination pétrolière. C'est la propriété privée immobilière qui a mené a l'exploitation forcenée des puits de pétrole et des mines partout sur Terre. Cette idée que sur simple possession d'un titre de propriété, il est possible d'extraire du sol tout ce qu'on veut, de le vendre, et d'en conserver les profits, c'est aussi une idée reçue puis imposée très dangereuse, laquelle a causé la perte de trop de gens, y compris ceux ayant osé remettre en question ce barbarisme plus que centenaire. Le droit du sol, de son exploitation active, ainsi que l'avènement des industries qui en ont résulté, tout cela aura contribué à contaminer et à orienter toutes les autres idées des siècles derniers, jusqu'au point de rupture où nous nous trouvons désormais.

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