United Staters

5.5. Exploités

Ébauche de discours

Frida Sylvestre, 24 juillet 2025

L'exploitation est un mode relationnel nécessitant au moins deux acteurs : un exploitant et un exploité.

Lorsque le plus fort dans la relation est aussi la personne la plus compétante, nous avons le modèle idéal, c'est à dire le mode relationnel le plus idéalisé du monde. Pensez aux histoires des journaux à potins, aux mariages princiers, aux vedettes, de même qu'aux gens riches et célèbres. La compétence ici s'exprime en ces termes : situation, beauté, renommée, talent, pouvoir et fortune. Quoique la personne dominante puisse être pourvue de quelques uns de ces traits, l'autre devra aussi posséder certains atouts de bonne valeur, sans quoi la relation s'en trouvera fatalement fragilisée.

Lorsque le plus fort dans la relation est la personne la moins compétante, nous avons une situation d'exploitation inversée, ou un modèle parasitaire. On pense ici aux personnes dépourvues d'attributs majeurs qui se démarquent à force de charme, d'ingéniosité, de manipulation ou de tromperie. Celles-ci auront tendance à attirer vers elles des personnes mieux placées sur l'échelle sociale, des gens faciles à émouvoir ou aisément exploitables.

Tous les modes relationnels centrés sur l'exploitation peuvent fonctionner sur le long terme, si les parties prenantes peuvent palier aux déséquilibres et éviter les abus. Tant que les échanges équitables sont possibles, l'espoir peut subsister.

Les relations qui sortent du cadre de l'exploitation sont aussi diverses que particulières. Celles-ci sont souvent basées sur des caractéristiques mutuelles ou complémentaires, comme la recherche d'égalité, la bonne volonté, le sens de l'équité ou de l'honneur, la coopération, la candeur, le partage, l'innocence, l'appartenance à un groupe ou à un projet, l'honnêteté, ou le besoin.

Au final, les façons dont on gère nos relations, quelles qu'elles soient, en disent beaucoup sur les valeurs qui nous définissent. Ainsi, les relations les plus stables sont faites de gens qui savent se renouveler, qui évoluent conjointement avec les autres, qui profitent de la possibilité de la nouveauté pour avancer positivement, voire surprendre, tout en affinant leur connaissance d'autrui. Bref, on peut viser un idéal de compétences partagées, ou on peut se rabattre sur l'exploitation.

Ces types relationnels peuvent aussi s'appliquer aux liens entre pays. Par exemple, que pouvons nous constater en analysant la relation entre le Canada, le pays qui m'a vu naître, et son plus proche voisin, les États-Unis d'Amérique ? Nous pouvons d'abord affirmer que les relations entre ces pays sont surtout centrées sur l'exploitation du premier par le second, une exploitation grandement encouragée et valorisée par les deux parties, en tout respect des avantages qui s'additionnent et des profits qui se réalisent.

Quoique le modèle relationnel des deux pays reste relativement équitable, clair et bien établi depuis plusieurs dizaines d'années, il demeure un spectre discret, un scénario alternatif voulant que le premier pays se fasse éventuellement avaler par le second. Les plans et devis d'une telle opération existent depuis très longtemps, et pointent vers le pillage pur et simple de cette immense terre boisée et glacée qu'on appelle le Canada. On pense à la dilapidation systématique des ressources en eau, des forêts, du pétrole et des mines, dans de gargantuesques proportions, lesquelles n'ont rien à voir avec la réalité qu'on connait déjà. On imagine ici un assèchement en règle, couplé à un abattage et un tamisage intensif.

Pourquoi vanter les vertues d'un éventuel et improbable cinquantéunième État ? Parce que ça ne fait aucun sens d'avaler dix provinces et trois territoires en les fusionnant, en les amalgamant à un seul État, celui du Canada. Ce qui ferait du sens, selon les scénarios d'annexion du passé qui ont refait surface et qui sont désormais connus, ce serait de réserver tout notre territoire sous la forme d'une seule colonie, avec un statut probablement moindre que celui dont jouit actuellement Guam ou Porto Rico. Un statut colonial strictement basé sur l'exploitation intensive des ressources naturelles, sans égard aux Nations qui peuplent déjà les lieux, sans égard à la vie ou à la nature. Sauf pour la chasse et pêche sportive, comme on le fait déjà, à grands frais, en pourvoiries.

C'est l'avenir auquel nous sommes maintenant conviés, c'est le destin auquel nous faisons face. Et détrompez-vous si vous croyez encore que les choses peuvent se passer autrement. Taisez votre naïveté, je vous en prie. Parce que le prix à payer sera élevé, quoiqu'on fasse. Alors pourquoi ne pas se relever les manches et avancer sur le chemin le plus beau et le plus noble, celui qui exige de nous tous le plus grand courage ? Nous pourrions ainsi décider d'inventer maintenant le pays de demain, notre pays, pour les générations à venir. Un vrai pays, riche de tous ses citoyens et de toutes ses traditions. Êtes-vous prêt pour cette très importante mission ?

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